Le droit à un environnement sain : un combat pour l’air pur et l’eau propre

Le droit à un environnement sain : un combat pour l’air pur et l’eau propre

Face à l’urgence climatique et aux menaces pesant sur notre santé, le droit à un environnement sain s’impose comme un enjeu majeur du 21e siècle. Focus sur les avancées juridiques et les défis à relever pour garantir à tous un air respirable et une eau de qualité.

L’émergence du droit à un environnement sain

Le droit à un environnement sain est une notion relativement récente en droit international et dans les législations nationales. Son émergence remonte aux années 1970, avec la prise de conscience croissante des enjeux environnementaux. La Déclaration de Stockholm de 1972 a posé les premières bases de ce droit, affirmant que l’homme a un droit fondamental à « la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être ».

Depuis, de nombreux textes internationaux ont consacré ce principe, comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 ou la Convention d’Aarhus de 1998. Au niveau national, plus de 150 pays ont inscrit le droit à un environnement sain dans leur constitution ou leurs lois. En France, la Charte de l’environnement de 2004, adossée à la Constitution, reconnaît que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

La protection juridique de l’air : un enjeu de santé publique

La pollution atmosphérique est responsable de millions de décès prématurés chaque année dans le monde. Face à ce fléau, les législateurs ont progressivement renforcé les normes de qualité de l’air. En Europe, la directive 2008/50/CE fixe des valeurs limites pour les principaux polluants atmosphériques. Elle impose aux États membres de mettre en place des plans d’action pour réduire les émissions et informer le public en cas de dépassement des seuils.

Malgré ces avancées, de nombreux pays peinent à respecter ces normes. En France, l’État a été condamné à plusieurs reprises pour son inaction face à la pollution de l’air. L’arrêt historique du Conseil d’État du 10 juillet 2020 a ordonné au gouvernement de prendre des mesures pour ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines sous les valeurs limites, sous peine d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard.

Les tribunaux jouent un rôle croissant dans la protection du droit à un air sain. En Allemagne, la Cour constitutionnelle fédérale a jugé en 2021 que la loi sur la protection du climat était insuffisante, contraignant le gouvernement à revoir ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces décisions illustrent l’émergence d’un véritable contentieux climatique, où les citoyens et les ONG utilisent les tribunaux pour faire respecter leur droit à un environnement sain.

La protection juridique de l’eau : un défi global

L’accès à une eau potable de qualité est un droit humain fondamental, reconnu par l’Assemblée générale des Nations unies en 2010. Pourtant, des millions de personnes en sont encore privées. La protection juridique des ressources en eau est donc cruciale pour garantir ce droit.

Au niveau international, la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux de 1992 pose les bases d’une gestion durable des ressources hydriques partagées. Dans l’Union européenne, la directive-cadre sur l’eau de 2000 fixe des objectifs ambitieux de bon état écologique et chimique des masses d’eau d’ici 2027.

La mise en œuvre de ces textes reste toutefois un défi. En France, malgré des progrès, de nombreux cours d’eau et nappes phréatiques sont encore pollués par les nitrates et les pesticides. La loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 a renforcé les outils de gestion et de protection, mais son application se heurte souvent à des intérêts économiques contradictoires.

La justice intervient de plus en plus pour faire respecter le droit à une eau de qualité. En Pays-Bas, un tribunal a ordonné en 2021 à Shell de réduire ses émissions de CO2 de 45% d’ici 2030, une décision inédite qui pourrait avoir des répercussions sur la protection des ressources en eau face au changement climatique.

Les nouveaux défis du droit à un environnement sain

Le droit à un environnement sain fait face à de nouveaux défis liés à l’évolution des connaissances scientifiques et des menaces environnementales. La question des perturbateurs endocriniens, substances chimiques omniprésentes dans notre environnement et susceptibles d’affecter notre santé, illustre la complexité de la régulation des risques émergents.

Le Règlement européen REACH sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques tente d’apporter une réponse, mais son application reste difficile face aux incertitudes scientifiques et aux pressions industrielles. En France, la loi Egalim de 2018 a interdit l’utilisation du bisphénol A dans les contenants alimentaires, mais d’autres perturbateurs endocriniens restent autorisés.

La justice climatique est un autre enjeu majeur. Comment garantir le droit à un environnement sain face au réchauffement global ? L’Accord de Paris de 2015 fixe l’objectif de limiter la hausse des températures à 2°C, voire 1,5°C, mais sa mise en œuvre reste insuffisante. Des citoyens et des ONG se tournent vers les tribunaux pour contraindre les États et les entreprises à agir.

L’affaire Urgenda aux Pays-Bas, où l’État a été condamné à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 25% d’ici fin 2020 par rapport à 1990, a ouvert la voie à de nombreux recours similaires dans le monde. En France, l’Affaire du Siècle a abouti en 2021 à la condamnation de l’État pour carence fautive dans la lutte contre le changement climatique.

Vers une effectivité accrue du droit à un environnement sain

Pour renforcer l’effectivité du droit à un environnement sain, plusieurs pistes sont explorées. L’une d’elles est la reconnaissance de l’écocide comme crime international. Cette notion, qui désigne les atteintes graves à l’environnement, pourrait permettre de sanctionner plus sévèrement les pollutions massives de l’air et de l’eau.

Le Parlement européen a adopté en 2021 une résolution appelant à la reconnaissance de l’écocide dans le droit international. Certains pays, comme la France, ont déjà introduit ce concept dans leur législation nationale, même si sa portée reste limitée.

Une autre piste est le renforcement des droits procéduraux environnementaux. La Convention d’Aarhus garantit déjà l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Mais ces droits pourraient être étendus, notamment en facilitant les actions de groupe en matière environnementale.

Enfin, l’intégration du droit à un environnement sain dans les politiques publiques et les décisions économiques est essentielle. Le concept de « One Health », qui reconnaît les liens étroits entre la santé humaine, animale et environnementale, gagne du terrain et pourrait influencer la future législation en matière de protection de l’air et de l’eau.

Le droit à un environnement sain, et plus particulièrement à un air pur et une eau propre, s’affirme comme un pilier fondamental de nos sociétés. Son application effective nécessite une mobilisation de tous les acteurs : législateurs, juges, scientifiques, citoyens et entreprises. C’est à ce prix que nous pourrons garantir aux générations futures un cadre de vie respectueux de leur santé et de la planète.