Crypto-monnaies et stablecoins : vers une régulation accrue du secteur

Face à l’essor fulgurant des crypto-actifs, les autorités financières multiplient les initiatives pour encadrer ce marché volatile. Focus sur les enjeux juridiques et réglementaires autour des crypto-monnaies, en particulier les stablecoins non régulés dans la ligne de mire des régulateurs.

Le cadre juridique actuel des crypto-monnaies

Les crypto-monnaies évoluent dans un environnement juridique encore flou et en construction. En France, la loi PACTE de 2019 a posé les premières bases d’un encadrement avec la création du statut de Prestataire de Services sur Actifs Numériques (PSAN). Les acteurs du secteur doivent s’enregistrer auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour exercer certaines activités comme la conservation d’actifs numériques ou l’achat/vente de crypto-monnaies contre des devises légales.

Au niveau européen, le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) adopté en 2022 vise à harmoniser la réglementation entre les États membres. Il prévoit notamment un régime d’agrément pour les émetteurs de crypto-actifs et les prestataires de services. L’objectif est double : protéger les investisseurs et préserver la stabilité financière.

Cependant, ce cadre reste incomplet face à la complexité et l’évolution rapide du secteur. Les stablecoins, ces crypto-monnaies censées avoir une valeur stable, soulèvent par exemple de nouvelles questions juridiques.

Les stablecoins dans le viseur des régulateurs

Les stablecoins se sont imposés comme un élément central de l’écosystème crypto. Censés offrir la stabilité des monnaies fiduciaires tout en conservant les avantages des crypto-actifs, ils suscitent l’inquiétude des autorités financières. Le risque systémique potentiel lié à leur utilisation massive pousse les régulateurs à vouloir encadrer strictement leur émission et leur utilisation.

Le projet de stablecoin Libra (renommé Diem) porté par Facebook en 2019 a notamment cristallisé les craintes. Face à la perspective de voir une entreprise privée émettre une « monnaie mondiale », de nombreux pays ont accéléré leurs réflexions sur l’encadrement des stablecoins.

En Europe, le règlement MiCA prévoit un régime spécifique pour les stablecoins considérés comme « significatifs ». Leurs émetteurs devront obtenir une autorisation et respecter des exigences strictes en termes de réserves, de gouvernance et de transparence. Les experts juridiques s’attendent à ce que ce cadre serve de modèle à d’autres juridictions.

Vers une interdiction des stablecoins non régulés ?

Face aux risques perçus, certains pays envisagent des mesures plus radicales comme l’interdiction pure et simple des stablecoins non régulés. Le Royaume-Uni a par exemple annoncé son intention de bannir les stablecoins non adossés à des actifs tangibles comme moyen de paiement.

Aux États-Unis, plusieurs projets de loi visent à encadrer strictement l’émission de stablecoins. L’idée d’exiger que seules les institutions financières agréées puissent en émettre fait son chemin, ce qui exclurait de fait la plupart des acteurs crypto actuels.

Cette approche restrictive soulève cependant des questions. Une interdiction totale des stablecoins non régulés serait-elle efficace et souhaitable ? Ne risque-t-elle pas de freiner l’innovation dans le secteur et de pousser les activités vers des juridictions plus permissives ?

Les défis de la régulation des crypto-monnaies

Réguler efficacement les crypto-monnaies et les stablecoins pose de nombreux défis :

– La nature décentralisée de nombreux projets crypto rend difficile l’application des réglementations traditionnelles.

– Le caractère transfrontalier des transactions crypto nécessite une coordination internationale encore balbutiante.

– L’évolution rapide des technologies oblige les régulateurs à constamment s’adapter, au risque d’être toujours en retard.

– La diversité des crypto-actifs (monnaies, tokens utilitaires, NFT…) complique l’élaboration d’un cadre uniforme.

Face à ces défis, les régulateurs doivent trouver un équilibre entre protection des investisseurs, préservation de la stabilité financière et soutien à l’innovation.

Perspectives d’avenir pour la régulation des crypto-monnaies

L’avenir de la régulation des crypto-monnaies et des stablecoins se dessine autour de plusieurs axes :

– Le développement de cadres réglementaires spécifiques aux crypto-actifs, à l’image du règlement MiCA en Europe.

– Une coopération internationale accrue pour harmoniser les approches et lutter contre les arbitrages réglementaires.

– L’émergence de monnaies numériques de banque centrale (MNBC) comme alternative régulée aux stablecoins privés.

– Une approche basée sur les risques, avec des exigences proportionnées à l’importance systémique des acteurs.

– L’intégration progressive des crypto-actifs dans les réglementations financières existantes (lutte anti-blanchiment, protection des consommateurs…).

La régulation du secteur crypto continuera d’évoluer rapidement dans les années à venir, avec un probable durcissement des exigences pour les acteurs du marché.

En conclusion, l’encadrement juridique des crypto-monnaies et des stablecoins est un chantier complexe mais nécessaire. Si l’interdiction pure et simple des stablecoins non régulés semble peu probable à court terme, une régulation accrue du secteur est inévitable. L’enjeu pour les autorités sera de trouver le juste équilibre entre contrôle et innovation, pour permettre le développement d’un écosystème crypto sûr et pérenne.